Rappelons que le libre-arbitre est ce sentiment que nous avons de contrôler nos pensées, nos actions, etc. Ce que nous appelons aussi notre volonté.
Est-ce que le libre-arbitre est réel ou illusoire? Voilà sûrement une des questions les plus profondes qui soient, une question qui touche à l’essence même de l’identité humaine. Les philosophes ne s’entendent pas sur sa réponse, les neuroscientifiques non plus… Supposons dans ce qui suit qu’il n’est pas une illusion, c’est-à-dire que nous sommes bel et bien libre de nos pensées, disons, dans la plupart des situations.
Si nous supposons qu’il n’existe pas d’univers parallèles avec des copies de nous-même, et si nous supposons que le libre-arbitre existe, alors qu’est-ce que cela implique? Les voyages dans le passé sont-ils toujours possibles? Oui, mais à une condition: il faut alors nécessairement supposer que notre libre-arbitre est dans certains cas partiellement ou momentanément contraint. Par exemple, si je retourne dans le passé rencontrer mes parents jeunes, je ne peux les empêcher de se rencontrer et d’avoir des enfants, puisque j’existe! Plus précisément, si je vais rencontrer ma mère enfant pour parler avec elle, disons le 12 février 1950 à midi, alors il faut qu’à cette date ma mère enfant ait justement déjà parlé avec quelqu’un à midi (en l’occurrence moi venant du futur).
Exactement comme la première alternative de la capsule 11, lorsque je me rencontre moi-même: lorsque je retourne dans le passé, pour sortir de la machine à midi, il faut que le double de moi qui est déjà là à midi m’ait vu sortir de la machine.
Le point crucial est le suivant: s’il n’y a qu’ UN SEUL univers, alors il n’y a qu’ UN SEUL événement possible à chaque moment. Si ma mère, le 12 février 1950 n’a parlé avec personne, je ne peux retourner dans le passé parler avec elle à cette date à midi. Il n’y a qu’un seul événement: le 12 février à midi, ma mère parle ou ne parle pas avec une personne. Si les DEUX situations se produisent, alors il faut DEUX univers: un avec ma mère parlant avec quelqu’un à midi, et un avec ma mère ne parlant avec personne.
Par conséquent, si on suppose qu’il n’y a qu’un seul univers, notre libre-arbitre doit être au moins partiellement limité dans l’entourage de boucles temporelles. Mais cela n’est pas si bizarre. Notre libre-arbitre ne nous permet pas toujours de faire ce que l’on veut. Par exemple, si je saute par la fenêtre, mon libre-arbitre ne peut m’empêcher de tomber! J’ai beau me concentrer autant que je veux, je tombe quand même. Les lois de la physique (ici la loi de la gravité) l’emportent quelquefois sur notre volonté. La même chose pourrait être possible dans le voisinage d’une boucle avec retour dans le temps, les lois sous-jacentes aux voyages temporels (pas encore connues) pourraient contraindre notre libre-arbitre.
Stéphane Durand